Dubsmash et le droit d’auteur
Dubsmash est l’application de cette fin d’année. Elle permet à l’utilisateur de se filmer en train de doubler un extrait sonore (répliques de films cultes, cris d’animaux, extraits de chanson, discours politiques etc.). Une sélection d’extraits sonores est mise à la disposition de l’utilisateur qui peut également en ajouter lui-même.
Les vidéos sont ensuite partagées par les utilisateurs sur les réseaux sociaux ou par messages privés.
Or, cette application suscite des interrogations juridiques notamment au regard du droit d’auteur.
En effet, l’autorisation expresse de l’artiste est requise par la loi avant toute utilisation de son interprétation. Ce principe connait des exceptions, notamment celle de la courte citation dont les créateurs de l’application pensent pouvoir se prévaloir.
L’exception de courte citation permet la citation de brefs extraits d’une œuvre et de son interprétation par l’artiste. Seulement, cette utilisation ne peut être justifiée que par « le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information de l’œuvre à laquelle elles sont incorporées » (article L.122-5 3° a du Code de la Propriété Intellectuelle).
Dans le cas de Dubsmash, nous sommes dans le cadre d’une utilisation ludique qui n’a pas pour objectif de participer à la création d’une œuvre originale dans laquelle la courte citation serait intégrée.
Pire, Le droit européen rappelle, pour sa part, que les exceptions de citations ne peuvent causer «un préjudice injustifié aux intérêts légitimes de l’auteur». Autrement dit, le droit européen proscrit la possibilité de tirer un profit du seul fait de la courte citation.
Or, du fait de l’indication du nom de l’application Dubsmash sur chaque vidéo partagée, il est indéniable que les créateurs de l’application en tirent un avantage économique.
Des poursuites pour les utilisateurs ?
Sans s’en rendre compte, les utilisateurs de Dubsmash peuvent se rendre coupable du délit de contrefaçon.
D’ailleurs, Youtube, bien conscient des problèmes posés par cette application au regard du droit d’auteur, a supprimé un nombre important de vidéos Dubsmash hébergée sur son site en indiquant la raison suivante : «Ce compte a été clôturé suite à des cas graves ou répétés de non-respect du règlement de la communauté et/ou des réclamations pour atteinte aux droits d’auteur».
Il convient toutefois de relativiser l’atteinte au droit d’auteur des artistes compte tenu de la brièveté des extraits utilisés et de la mettre en perspective avec le piratage classique qui consiste à reproduire une œuvre dans son intégralité et la mettre à disposition d’autrui illicitement.
Par ailleurs, les vidéos Dubsmash peuvent également avoir un effet promotionnel pour certaines œuvres peu connues ou tombées en désuétude, ce qui servirait in fine les intérêts des ayants droits.
Rappelons que les utilisateurs ont le droit de créer une copie d’une œuvre protégée à condition que le partage soit limite au cercle privé.
Cependant, la viralité importante des vidéos Dubsmash sur les réseaux sociaux pourrait toutefois conduire à ce qu’elles soient exclues de l’exeception de copie privée.
Dans le rapport de la mission du CSPLA (Conseil Supérieur de la Propriété Intellectuelle) sur les « œuvres transformatives » remis le 14 octobre 2014 (télécharger le rapport ici ), le Professeur Valérie BENABOU s’intéresse à la question.
Cette dernière appelle de ses vœux le fait « de négocier globalement les conditions d’utilisation du répertoire avec les plateformes plutôt que de poursuivre individuellement les utilisateurs postant des oeuvres transformatives » sans leur autorisation.
Dans un contexte juridique en pleine effervescence sur ce sujet, Dubsmash jette un pavé dans la mare.
A suivre…